Essence et particularités du conflit israélo-palestinien
Un conflit territorial entre deux peuples
Le rappel des faits historiques et des chiffres est essentiel. Cependant, il faut aussi comprendre l'essence du conflit. Il y a beaucoup de confusions sur la nature de la confrontation israélo-palestinienne. Est-ce une guerre de religion entre juifs et musulmans ? Une guerre entre des groupes terroristes et un État ? En réalité, le conflit israélo-palestinien est avant tout un conflit territorial entre deux peuples.
Les enjeux principaux sont le contrôle du territoire et la souveraineté. Un peuple, les Palestiniens, vivait sur cette terre, administrée par les Ottomans puis par les Anglais. Un autre peuple, les Juifs, persécutés ailleurs, a commencé à émigrer sur cette même terre avec laquelle ils ont un lien religieux et historique. Depuis, l'équation est claire : deux peuples veulent habiter sur la même terre et en revendiquent le contrôle.
Toutes les grandes étapes du conflit sont profondément liées à des enjeux territoriaux. 1948 a marqué le début du conflit : Ben Gourion a proclamé l'État d'Israël et c'était le début de la « Nakba », l'expulsion de 800 000 Palestiniens. Le conflit israélo-palestinien est donc né de la création d'un nouvel État revendiquant sa souveraineté sur une terre et de l'expulsion du peuple qui habitait cette terre. La guerre de 1967, qui a été un moment charnière, n'était autre qu'une affaire de conquête de territoires. Israël a, par la force, pris le contrôle de tout le territoire et a même occupé une partie de l'Égypte, de la Syrie et du Liban. À l'inverse, en 2005, le retrait des Israéliens de la bande de Gaza a également été un grand tournant.
De la même manière, toutes les négociations portent avant tout sur des considérations territoriales. En 1978, lors des accords de camp David, l'Égypte a accepté de reconnaître l'existence de l'État d'Israël, en échange de pouvoir récupérer le contrôle de la péninsule du Sinaï. En 1995, à la suite des accords d'Oslo, un découpage territorial de la Cisjordanie a été négocié : les zones A sont placées sous contrôle palestinien, les zones B sous contrôle civil palestinien mais contrôle militaire israélien et les zones C sous contrôle israélien. En 2000, l'attribution du contrôle de Jérusalem est un des sujets qui a paralysé les négociations à Camp David.
Un combat mètre carré par mètre carré
Dans cette guerre pour le territoire, le combat se mène mètre carré par mètre carré. En ce sens, Israël utilise de nombreux outils. La colonisation est une des armes principales. Des terres qui ont été attribuées par l'ONU aux Palestiniens sont réquisitionnées, parfois des habitations palestiniennes sont démolies, pour construire des colonies (Voir Lexique en pied de page) où des colons Israéliens viennent s'installer et occuper le territoire.
La construction du « mûr de sécurité » (Voir Lexique en pied de page) est aussi un outil territorial. Officiellement, le mur devait être construit sur la « ligne verte » (frontière établie par le plan de partage de l'ONU de 1947) et devait avoir pour fonction de faire un barrage sécuritaire. Cependant, le mur est ostensiblement construit plus à l'Est que la frontière prévue par l'ONU, ce qui permet aux Israéliens de gagner, de facto, du terrain. De plus, alors que la ligne verte ne mesure que 315 km, le mur fait plus de 700 km parce qu'il fait des tours et des contours qui permettent de grignoter des bouts de territoires palestiniens.
À ceci s'ajoute la construction de routes interdites aux Palestiniens, la démolition d'habitations et l'interdiction de construire pour les Palestiniens, l'isolation de certains commerces palestiniens pour les contraindre à partir, l'omniprésence des militaires israéliens et les checkpoints partout en Cisjordanie… En somme, les Israéliens remportent le combat territorial.
Les territoires palestiniens rétrécissent à vue d'œil pendant que les colonies israéliennes se multiplient…
De l'autre côté, les Palestiniens ne se déclarent pas vaincus et essayent désespérément de garder des bouts de terre. Certains Palestiniens expulsés choisissent de rejoindre des camps de réfugiés en Cisjordanie (858 000 réfugiés) ou à Gaza (1,4 millions de réfugiés) plutôt que de partir dans les pays voisins ; parce qu'ils estiment que rester est une manière de résister. Lors d'un échange avec une jeune fille dans un camp de réfugiés en Cisjordanie, elle m'a confié : « ils [les israéliens] nous rendent la vie impossible, parce qu'ils veulent que nous partions, mais en restant ici je résiste ! Je résisterai jusqu'à ma mort… ». Reste que les territoires palestiniens rétrécissent à vue d'œil pendant que les colonies israéliennes se multiplient…
